Les Maisons Sport Santé : des projets de territoire

Horizon pluriel n°37 /

Entretien avec Sophie Cha, médecin conseiller à la DRAJES1 et Hélène Kurz, chargée de mission à la direction adjointe prévention promotion de la santé à l’ARS Bretagne, réalisé par Isabelle Arhant, directrice régionale projets, développement et innovation du groupe mutualiste VYV3 Bretagne2

Pourquoi a-t-on créé les Maisons Sport Santé ?

Le « sport santé » est un sujet émergeant ces dernières années au vu des problèmes de santé liés à l’inactivité et à la sédentarité. L’inactivité physique est devenue depuis 2012 la première cause de mortalité évitable dans le monde, et responsable de 10 % des décès en Europe. Le manque d’activité physique (inactivité + sédentarité) est un facteur de risque des maladies chroniques. La pratique d’une activité physique régulière (30 mn à 1 h par jour, 5 jours par semaine) permet de réduire de 30 % la mortalité précoce, toutes causes confondues. L’enjeu du sport-santé est de favoriser la mise en mouvement du corps de manière régulière. Mais, pour tout un chacun, ce n’est pas si simple et la nécessité d’être informé, aiguillé, accompagné apparait comme un élément clé de succès. 

C’est ainsi qu’est né le concept de Maison Sport Santé, qui d’ailleurs n’est pas forcément une « Maison physique », mais plutôt une mise en réseau des acteurs sur un territoire pour : accueillir, informer et orienter. L’ambition de ces « Maisons » est de simplifier les démarches et l’accès à une pratique physique, pour les usagers, mais aussi pour les professionnels de santé. Ils sont souvent démunis quant à la connaissance de l’écosystème existant sur ce sujet en proximité, en particulier les lieux de pratique et d’accompagnement adaptés à leurs patients. L’ambition affichée par Emmanuel Macron était d’installer 500 Maisons Sport Santé en France, objectif qui devrait être atteint à l’issue du quinquennat. Au-delà de cet objectif de 500, le souhait est que le maillage du territoire permette à chaque personne de trouver réponse au plus près de chez elle.

L’enjeu du sport-santé est de
favoriser la mise en mouvement
du corps de manière régulière.

Les Maisons Sport Santé : par qui et pour qui ?

Le public concerné est très varié, l’objectif est de permettre à chacun de trouver réponse à son questionnement sur le sujet. À noter la grande diversité de montages et de statuts juridiques de ces dispositifs (établissements sanitaires, associations, mutuelles, entreprises…). Cette diversité est soutenue par les pouvoirs publics (Agence régionale de santé (ARS) et DRAJES) afin de se focaliser plutôt sur l’initiative et le projet. Les offres proposées sont également diverses : de l’information à l’accompagnement de publics spécifiques. La reconnaissance (ce n’est pas un label au sens strict) Maison Sport Santé est allouée par les ministères chargés des Sports et des Solidarités et de la Santé, après sélection suite à un appel à projets.

En quoi cela amène-t-il une dynamique territoriale en faveur de l’activité physique ?

L’ambition des Maisons Sport Santé est une ambition de territoire proposant aux acteurs locaux de mettre leur énergie en commun au profit des habitants. Les collectivités sont le plus souvent associées à ces démarches, comme en témoignent certains Contrats Locaux de Santé qui disposent de projets actés sur le sport santé.

Quels sont les freins et les leviers ?

Le frein principal est l’absence d’un modèle économique pérenne établi par les pouvoirs publics. Si des aides existent au démarrage (ingénierie et coordination), elles ne permettent pas de se projeter sur du moyen, long terme et obligent les porteurs de projet à rechercher des financements parfois ciblés sur un public particulier. Cela nuit à la lisibilité et la visibilité de ces dispositifs. La motivation des acteurs en est un second. Ces projets reposent comme souvent sur l’implication de quelques personnes qui peinent à rassembler et s’épuisent faute de perspectives pérennes. Enfin, il faut encore prouver l’intérêt de ces démarches, démontrer leur plus-value et les communiquer. Même s’il est facilement entendable que sans accompagnement vous serez quelque peu perdu : si vous sortez de chez votre médecin et qu’il vous prescrit de l’activité physique, vous aurez des difficultés à savoir quoi pratiquer, sur quelle durée, quelle intensité, quelle fréquence.

Les leviers ont pu être cités et relèvent essentiellement d’une dynamique territoriale d’acteurs locaux, ainsi que d’un accompagnement des porteurs par l’ARS et la DRAJES. Les premiers retours d’usagers sont encourageants, ils seront à objectiver avec l’évaluation en cours dont les premiers éléments devraient être connus fin 2022.

Quelle couverture des Maisons Sport santé sur le territoire breton ?

Dix Maisons Sport Santé sont labellisées en Bretagne : Centre de
médecine du Sport à Lorient, Dinan (Ufolep), CH Morlaix, CHU de Brest, Redon (Mairie), Saint-Brieuc/Lannion (VYV3 Bretagne), CH Quimper, CHU Rennes, Saint-Jouan-des-Guérets (Octopus), Mauron (Association sport santé adaptée). Douze nouveaux projets ont candidaté au dernier appel à projet. Les Maisons sont cartographiées sur le site du ministère des Sports . Un référencement et une labellisation des structures (sur la base d’un cahier des charges), proposant des activités physiques adaptées, sont réalisés par les pouvoirs publics et font l’objet d’une cartographie en Bretagne. L’objectif est que cette démarche se réalise au plan national avec une harmonisation des méthodes et critères.

© christianchan

Quelles sont les perspectives ?

Ce dispositif est jeune et la diversité de ses formes complexifie la visibilité de ses réalisations. Pour autant, l’important est la dynamique enclenchée. Certains projets émergents n’iront pas forcément chercher la reconnaissance Maison Sport Santé, mais, pour autant, contribueront à la dynamique. Le souhait affiché par le ministère des sports est de pouvoir également faire évoluer les formations sport-santé des fédérations sportives en les harmonisant à l’échelon national afin de rendre cette offre lisible et accessible à tous. D’autre part, il y a une attente forte des pouvoirs publics que les actions de ces dispositifs puissent s’adresser aux publics les plus éloignés de la pratique et en situation de précarité. Enfin, la définition d’un modèle économique stable permettrait une sécurisation des dispositifs, et aux porteurs de projet de se centrer sur leurs missions premières d’accompagnement et de communication, et non de recherche de financement, dans un objectif de santé publique.

Coup de projecteur sur la Maison Sport Santé d’Armor

Cécilia Zublena, coordinatrice de la Maison Sport Santé d’Armor

VYV3 Bretagne a obtenu le label national Maison Sport Santé pour son projet dans les Côtes-d’Armor en janvier 2020. L’objectif de ce dispositif est de rendre accessible à tout un chacun, quel que soit son âge, condition physique et état de santé, la possibilité de pratiquer au long cours une activité physique ou sportive. Pour cela, la Maison Sport Santé d’Armor assure différentes missions :

  • informer sur les offres existantes de pratique d’activités physiques et sportives locales ;
  • sensibiliser, informer, conseiller sur les bienfaits de l’activité physique et/ou sportive ;
  • réaliser l’évaluation des capacités physiques de la personne ainsi que de ses motivations afin de proposer un programme sport santé personnalisé ;
  • orienter les personnes vers une activité adaptée à leurs besoins ;
  • organiser un suivi régulier du patient tout au long du programme afin de mesurer sa constance et son niveau de progression ;
  • créer du lien entre le monde sportif, médical et social.

Aujourd’hui, trois guichets (dans les mairies) accueillent les usagers à Langueux, Lannion et Perros-Guirec et d’autres mairies du territoire souhaitent développer cette offre pour leurs administrés.

 

Concrètement…

Dans chaque guichet, un enseignant en activité physique adaptée (EAPA) propose, sur rendez-vous, un bilan individuel de condition physique et motivationnel, une orientation vers des associations du territoire avec un programme personnalisé pour rester actif au quotidien, un suivi téléphonique pour maintenir la motivation et un bilan final. Si besoin, des « cours passerelles » en individuel ou collectif sont mis en place : au travers ces séances, l’EAPA accompagne à reprendre en douceur une activité physique grâce à des exercices progressifs et personnalisés. Un carnet de liaison entre la Maison Sport Santé d’Armor et les associations sportives permet de suivre la participation et l’évolution des pratiquants. Un compte-rendu est envoyé régulièrement au médecin prescripteur ou au professionnel de santé ayant orienté le patient.

 

Grâce au soutien de la Conférence des financeurs des Côtes d’Armor, du Conseil départemental des Côtes-d’Armor et de l’ARS Bretagne, cet accompagnement est gratuit. Sont prévus entre 100 et 150 accompagnements par an. Avec ce dispositif, VYV3 Bretagne participe à la promotion d’un mode de vie actif et à la lutte contre la sédentarité. Plus d’informations sur www.sport-sante-armor.fr

Le partenariat entre la Mairie de Perros-Guirec et la Maison Sport santé d’Armor : un exemple d’une collaboration pour impulser la dynamique locale « sport santé »

Gildas RAOUL, Responsable service jeunesse, vie scolaire et sport, ville de Perros-Guirec


Le conseil municipal de juillet 2021 a voté à l’unanimité les intentions du projet sportif 2021-2026 de la commune. Le sport santé en fait partie. La mise en œuvre est donc en action, avec notamment un partenariat entre le service jeunesse et sport de Perros-Guirec et la Maison Sport Santé d’Armor portée par VYV3 Bretagne. Cette collaboration permet de développer le sport santé au travers de :

  • la présence de la Maison Sport Santé d’Armor au forum des associations,
  • des réunions de travail,
  • une communication forte de la commune auprès de ses administrés,
  • la diffusion de l’information concernant le dispositif Maison Sport Santé auprès de Domitys Perros et d’autres structures du secteur social et médico-social,
  • une conférence autour du Sport Santé avec Sophie Cha, médecin conseiller de la DRAJES1, en faveur des professionnels de santé du territoire et des associations sportives,
  • la mise en place des temps d’accueil des usagers pour les accompagnements individualisés les lundis matin suivis de cours passerelles de remise en forme,
  • la création d’un réseau d’associations sport santé.

Les outils se mettent en place et déjà les premières demandes sont enregistrées. Nul doute que l’adéquation entre cette nouvelle offre de service et la demande latente soit au rendez-vous !

1 Délégation Régionale Académique à la Jeunesse, à l’Engagement et aux Sports

2 Union mutualiste

HORIZON PLURIEL – N°37 – FÉVRIER 2022