Les Marches des fiertés : pour « sortir du placard », montrons-nous dans la rue !

Horizon pluriel n°35 /

Les manifestations expriment des demandes, des protestations dans l’espace public. Au-delà des revendications, les Marches des fiertés homosexuelles affirment le droit d’exister pleinement et publiquement, pour des personnes et des groupes encore souvent stigmatisés.

New York, 1969. Aux-Etats-Unis d’Amérique, comme dans la quasitotalité des autres pays, les homosexuel.le.s sont fréquemment l’objet de persécutions policières. Aux vexations et aux brutalités s’ajoutent des conséquences sur la vie sociale, lorsque l’identité des personnes est diffusée dans le public.

Mais nous sommes à la fin des années 60 et l’oppression cesse d’apparaître comme une fatalité : le 27 juin, à l’occasion d’une « descente » de plus au bar Stonewall Inn, les gays, lesbiennes, personnes transgenres se révoltent. Plusieurs jours d’émeutes s’ensuivent. Elles mettront un coup d’arrêt à ces pratiques policières.

Un groupe de militant.e.s homosexuel.le.s décide de commémorer l’évènement. Dès l’année suivante, des marches s’organisent. Elles se développent dans les années 70 à New-York, San Francisco, Berlin, Londres, en Italie, en Belgique… Elles portent les thèmes de la libération et du « coming out » : vivre son homosexualité au grand jour, et non plus de manière cachée. Rapidement, les dimensions revendicative et festive se rejoignent, avec l’affirmation, parfois délibérément exubérante, des identités et modes de vie homosexuel.le.s.

En France, le choix des militant.e.s est d’abord de se joindre à d’autres, s’associant au défilé du premier mai. Les « vraies » Marches des Fiertés, alors appelées Gay Prides, débutent en 1981. Elles passeront de quelques milliers de personnes à plusieurs centaines de milliers à partir du milieu des années 90. Des élu.e.s s’y associent fréquemment. La lutte contre le VIH/sida y prend place, aux côtés des luttes contre les discriminations et pour l’obtention de droits comme le Pacs (Pacte civil de solidarité), le mariage pour tous.

Témoigner de l’existence de personnes, de modes de vie (…) Et cela joyeusement.

Des Marches des fiertés se tiennent désormais, généralement en juin, dans de nombreuses villes de tous les continents. Mais pas partout : des gouvernements ou des maires dits « conservateurs » s’y opposent encore, même en Europe. La métaphore sanitaire délirante assimilant l’homosexualité à une « maladie » et évoquant le « risque de contagion » de la population « saine » n’a pas disparu.

Les Marches des fiertés sont bien un genre particulier de manifestation : avant même de porter des revendications, elles veulent montrer une réalité, témoigner de l’existence de personnes, de modes de vie, « sortir du placard » où certains voudraient les enfermer. Et cela, joyeusement.

A Gourin : fierté en centre-Bretagne

L’une des Marches des fiertés les plus fameuses de France est aussi la plus improbable : elle s’est tenue, pendant plusieurs années et avec un succès croissant, à Gourin, une commune morbihannaise de 4 300 habitant.e.s. Initiée par le patron d’une boîte de nuit locale, sous le nom de Festy-gay, elle a rassemblé 5 000 personnes de toute la Bretagne et au-delà.

Surpris.es, réticent.e.s, sympathisant.e.s ou juste amusé.e.s, les habitant.e.s s’y sont habitué.e.s et le Festy gay a pris sa place parmi les événements locaux, à côté de la Fête de la Crêpe. Ce moment public festif et totalement atypique a dû s’interrompre en 2016 : la commune n’avait pas les capacités de mettre en place les mesures de sécurité nécessaires à la suite des attentats qui avaient frappé la France.

Thierry Prestel

Directeur de Promotion Santé Bretagne

HORIZON PLURIEL – N°35 – DÉCEMBRE 2018