Les espaces publics, entre partage et relégation : quelle place pour la promotion de la santé ?

Horizon pluriel n°35 /

Qu’appelle-t-on « espaces publics » ? Il s’agit des « endroits accessibles au(x) public(s), arpentés par les habitants, qu’ils résident ou non à proximité. Ce sont des rues et des places, des parvis et
des boulevards, des jardins et des parcs, des plages et des sentiers forestiers, campagnards ou montagneux, bref, le réseau viaire1 et ses à-côtés qui permettent (en principe) le libre mouvement de chacun, dans le double respect de l’accessibilité et de la gratuité ».2 Ce sont des espaces de vie, des lieux créés ou modifiés intentionnellement, reflétant une vision des relations humaines et un projet de société.

Il y a tout lieu de s’interroger sur la vision et le projet que reflètent ces espaces, dont l’accès se trouve affecté de multiples manières : rues ou plages privatisées, quartiers retranchés derrière des grilles, usage réglementé, soumis à des autorisations ou des permissions, lieux « sécurisés » par des vigiles ou des caméras, restriction des droits à manifester, se réunir ou faire la fête, raréfaction des bancs publics ou des sièges permettant de s’allonger, espaces infrasonores ou « couvre-feux » destinés à disperser la jeunesse… En plus d’influencer négativement le « vivre ensemble », cet aménagement des espaces publics affecte durement « les personnes qui ont le plus besoin de la rue, car elles n’ont que peu d’accès à des espaces privés, qu’il s’agisse de domicile, d’un lieu de travail ou de lieux de loisirs »3. En cela, il accroît les inégalités sociales et de santé.

La notion d’espaces publics promoteurs de santé intègre explicitement l’idée selon laquelle les lieux et conditions de vie exercent une influence majeure sur la santé de la population. Plus encore, cette notion s’inscrit dans les tout derniers développements de la promotion de la santé qui, au lieu de considérer le contexte
d’implantation comme une toile de fond pour l’intervention, le prend en compte comme une partie intégrante de cette dernière. Plus que des contenants, les espaces publics sont « des contenus de
l’expérience sociale »2, les produits d’un contexte social, culturel et politique, sur lequel la promotion de la santé s’engage précisément à agir.

Il y a tout lieu de s’interroger sur
la vision et le projet que reflètent
ces espaces, dont l’accès se trouve affecté de multiples manières…

Plusieurs caractéristiques constituent les espaces publics comme un maillage promoteur de bien-être et de qualité de vie pour tous 4. L’accessibilité et la convivialité pour tous sans distinction d’âge, de sexe ou de catégorie sociale sont des caractéristiques très importantes, mais il y en a beaucoup d’autres : la beauté et la variété de ce qu’ils donnent à voir et à entendre, leur caractère aisément praticable, la possibilité d’y exercer des jeux ou des activités sportives… sans oublier leur inscription dans une histoire – un passé, un devenir – et la possibilité pour chacun de se les approprier à sa manière.

Les pouvoirs publics ont évidemment un rôle crucial à jouer en cette matière. Mais l’occupation des espaces publics est en réalité l’affaire de tous. La gestion des intérêts divergents des uns et des autres quant à la jouissance de ces espaces impose l’ouverture de débats participatifs permettant la consultation et l’expression de toutes les parties prenantes. Cela aussi constitue un enjeu majeur pour la promotion de la santé et pour la vie démocratique.

Christine Ferron

Déléguée générale de la Fnes
(Fédération nationale d'éducation et de promotion de la santé)

Pour en savoir davantage :

1 c’est-à-dire tous les équipements de voirie destinés à un usage public et gérés par une collectivité
2 Paquot T. L’espace public. Paris : La Découverte, 2009
3 Poncela P. La pénalisation des comportements dans l’espace public, Archives de politique criminelle 2010/1 (n° 32), p. 5-21.
4 Lee ACK, Maheswaran R. The health benefits of urban green spaces : a review of the evidence. Journal of Public Health, 2011 ; 33 : 2.

HORIZON PLURIEL – N°35 – DÉCEMBRE 2018

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