Le bureau des Temps : penser les rythmes de vie à l’échelle d’un territoire

Horizon pluriel n°36 /

Le bureau des Temps est un service de la ville de Rennes et de Rennes Métropole. Il a été créé dès 2002 par Edmond Hervé, alors maire de la ville, pour développer une lecture temporelle du territoire. En identifiant les rythmes du territoire et en agissant sur ce qui influe sur eux, notre objectif est triple : agir pour plus d’égalité sociale, rendre le territoire plus fluide et répondre aux contraintes d’un monde aux ressources finies.

Les évolutions récentes de nos sociétés ont entraîné une diversification et une individualisation des temps de vie (allongement de la durée de vie, hausse des horaires de travail atypiques, hausse du temps de loisirs…). Ces changements ont fait évoluer les demandes des usagers (horaires élargis des services publics…), mais ont également accru les inégalités entre ceux qui maîtrisent leur temps et ceux qui le subissent. Notre rôle est donc d’accompagner les politiques publiques pour favoriser la prise en compte de ces nouveaux rythmes de vie, lutter contre ces inégalités et, de façon plus globale, améliorer la qualité de vie des habitants.

Chaque territoire a, selon la composition de sa population, la nature de ses équipements et des activités qui y sont développées, un rythme qui lui est propre.

Le bureau des Temps a accompagné plusieurs démarches sur l’adaptation des horaires des services proposés aux habitants (piscine, bibliothèques…). Pour adapter l’offre aux besoins, nous prenons en compte l’évolution des rythmes de vie des habitants, mais aussi les conditions de travail des agents et les contraintes « techniques » : il ne s’agit pas de faire peser sur les agents les demandes croissantes des usagers. Nous accompagnons ainsi les services vers une réflexion pour ouvrir « mieux » sans forcément ouvrir « plus », de façon plus cohérente avec le rythme de vie des usagers et des territoires concernés. Chaque territoire a, selon la composition de sa population, la nature de ses équipements et des activités qui y sont développées, un rythme qui lui est propre.

Sur un autre volet, la ville de Rennes a revu entièrement l’organisation de son service Hygiène et Propreté des locaux pour améliorer les conditions de travail des agents d’entretien qui travaillaient en horaires décalés. Cela avait des répercussions fortes sur leur vie de famille (mode de garde…), sur leur santé (fatigue…) et sur leur accès aux services. La mise en place d’horaires en journée a eu un impact important sur leur qualité de vie, sans générer de gêne importante pour les salariés qui travaillent dans les bureaux où ils interviennent.

Il s’agit là de démarches ciblées, liées à un territoire de proximité ou à un service, mais nous essayons également d’influer de façon plus globale sur les rythmes du territoire. Nous avons, par exemple, travaillé avec les services en charge de l’aménagement urbain afin qu’ils intègrent les notions de temps d’accès (au métro, aux espaces verts…) et pas seulement les distances. En effet, aujourd’hui, les habitants parlent davantage de leur territoire vécu en termes de temps qu’en termes de distance.

Nous avons ainsi établi une représentation cartographique des temps d’accès à pied aux commerces et services du quotidien. L’objectif est de penser la ville de courte distance, la ville « marchable », accessible à tous de façon autonome, pour répondre à des enjeux environnementaux, énergétiques, sociaux et de santé publique. Cette représentation cartographique peut servir d’aide à la décision en matière de planification afin d’intégrer le critère d’accessibilité dans les projets d’urbanisme.

Un autre aspect de la prise en compte du temps consiste à proposer des éléments architecturaux modulables dans le temps long (des bureaux qui à terme pourront servir d’habitat…) et dans le quotidien (une cour d’école qui peut servir de lieux de loisirs le week-end et pendant les vacances scolaires), pour s’adapter à l’évolution des besoins.

Enfin, en matière de mobilité, nous travaillons avec les acteurs du territoire pour lutter contre la congestion automobile et ses effets néfastes. Plusieurs expérimentations sont en cours ou en projet, telles que le développement du télétravail ou le décalage des horaires individuels de travail, afin de fluidifier les déplacements sur le territoire aux heures de pointe.

Malgré l’individualisation des temps de vie, certains marqueurs temporels collectifs restent prégnants : rythmes scolaires, heures de pointe, rythmes différents entre semaine et week-end… A l’échelle d’un territoire, certains équipements jouent un rôle de générateur des flux sur des créneaux particuliers.

Mieux connaître les rythmes des territoires permet de limiter certains dysfonctionnements, d’optimiser la gestion des ressources, de faire évoluer des services, de concevoir des espaces et des équipements polyvalents et durables.

Nolwenn Le Boulch

Chargée de mission au bureau des Temps de Rennes Ville et Métropole

Réseau Anact-Aract : ambassadeur d’une approche systémique du temps

La mise en oeuvre d’une approche du temps, globale et profitable à tous, exige l’implication des services publics, tout comme celle d’autres acteurs présents sur le territoire. En ce sens, l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) et ses homologues à l’échelle régionale (les Aract) oeuvrent auprès des entreprises et leurs écosystèmes. Elles promeuvent des mesures de conciliation des temps qui ne se résument pas à une simple équation « vie professionnelle – vie privé ». Elles intègrent une triple temporalité : celle de l’entreprise (gestion de plannings, réalisation de services, cohésion d’équipes), celle des salariés (contraintes et besoins de chacun) et la temporalité du territoire (fluidité de déplacements, organisation de services…).

On recherche un « compromis temporel », fruit d’une approche systémique du temps.

Pour en savoir plus : La conciliation des temps, une question à plusieurs dimensions. Travail & changement, Anact : mai/juin 2014

HORIZON PLURIEL – N°36 – DÉCEMBRE 2019