Faciliter l’accès à l’activité physique pour réduire les inégalités sociales de santé

Horizon pluriel n°37 /

Roselyne Joanny et Amélie Chantraine, chargées de projets et d’ingénierie, Promotion Santé Bretagne

Favoriser l’accès à l’activité physique des personnes sédentaires en situation de précarité en s’appuyant sur une dynamique partenariale et participative : tel a été l’objectif du programme PRECAPSS coordonné par Promotion Santé Bretagne de 2017 à 2019 sur le pays de Saint-Malo. Soutenue par l’Agence régionale de santé Bretagne, le Département d’Ille-et-Vilaine, le Contrat de ville de Saint-Malo et la MILDECA1, cette intervention a été l’objet d’une recherche interventionnelle financée par l’INCA et pilotée par l’équipe de recherche VIPS²2, de l’Université de Rennes 2. L’objectif de cette recherche, menée en étroite collaboration avec l’ensemble des acteurs impliqués, était de dégager des connaissances utiles aux pratiques professionnelles et transférables sur d’autres territoires. Les modalités d’intervention ont été coconstruites avec les partenaires locaux des secteurs sportif, social et sanitaire, réunis au sein d’une instance locale. Après une enquête exploratoire pour repérer les freins et les leviers à la pratique d’activités physiques des personnes concernées et sensibiliser de nouveaux partenaires, différentes actions ont été initiées : ateliers d’activité physique, formations et temps d’analyse de pratique, soirées de sensibilisation auprès des associations sportives. Pour enrichir la démarche de co-construction, un groupe de travail constitué de 6 personnes participant à des ateliers d’activité physique s’est créé à la fin de la première année et a suivi le projet tout au long de son déroulement. Il a notamment travaillé sur les aspects de communication du projet, sur des recommandations en direction des clubs de sport pour accueillir un public sédentaire et sur la préparation et l’animation des temps forts.

Des retombées positives

La recherche menée sur cette intervention met en avant les retombées positives du projet :

  • Les personnes impliquées ont développé leurs compétences psychosociales :

Ici je me sens plus en vie, plus moi-même, plus à l’aise, naturelle. Ça m’a redonné envie de prendre ma vie en main, sur
une activité. Malgré mes problèmes de santé, je me dis que je vais essayer de retrouver du travail. 
Une participante à un atelier d’activité physique.

  • Les professionnels ont fait évoluer leurs pratiques et leur posture :

J’ai tout appris : comment adapter à chacun, proposer des
choses nouvelles en prenant du plaisir, réfléchir à une posture
adaptée, que l’humain était très important pour ces personnes.
Une éducatrice sportive.

  • La question de l’activité physique des publics sédentaires s’est inscrite
    au sein des structures partenaires (sociales, sportives, médicales
    et paramédicales) :

J’ai une salle réservée à des asso sportives qui font plutôt du
social. Le but du jeu est de faire venir des gens (…) dans
un endroit vraiment sportif… Sortir de leur environnement
classique, EHPAD, Hôpital, mais pour faire du sport, pas du
théâtre !
Une élue au sport.

La recherche a également mis en lumière trois éléments : le temps conséquent nécessaire à l’atteinte des objectifs, la question de l’orientation de l’action vers les publics en situation précaire et la complexité d’une approche fondée sur l’implication des personnes concernées.

Des changements… au fil de l’eau

Changer le fonctionnement des structures, les pratiques professionnelles, les habitudes, demande du temps. Les trois années ont été à peine suffisantes pour permettre une appropriation pérenne de la nouvelle dynamique. Si certains acteurs se sont impliqués dès le début (en majorité des structures sociales), l’engagement des secteurs sportif et sanitaire et du niveau politique a pris plus de temps. Les raisons peuvent en être multiples : appréhension face à un public ou un thème nouveau, besoin de mieux comprendre les enjeux du dispositif, difficulté à changer ses pratiques et à construire en partenariat. Du côté du groupe de travail constitué de personnes concernées, presqu’un an s’est déroulé avant qu’il y ait une véritable appropriation du thème, leur
permettant d’être force de proposition.

Focus « précarité »… ou pas !

La démarche a été orientée volontairement vers les publics en situation précaire, particulièrement concernés par le manque d’activité physique et ses conséquences sur la santé. Cela a permis de travailler dès le début avec des acteurs en capacité de mobiliser ce public. Cependant, au fil du temps, le constat a été fait que toutes les adaptations mises en place pour faciliter l’accès à l’activité physique des personnes en situation précaire étaient pertinentes pour l’ensemble des publics sédentaires : accompagnement, lisibilité de l’information, accueil dans les ateliers, adaptation des activités, etc. 

De plus, ce focus « précarité » a été gênant à plusieurs niveaux. D’abord, vis-à-vis des participants qui ont trouvé cela stigmatisant : « Est-ce que l’on ne pourrait pas se dire que c’est un moment de la vie où on rencontre des problèmes, qu’ils soient financiers, mal-être, difficultés familiales, problèmes de santé… ? » Ensuite, parce que cette spécificité « précarité » a éloigné, du moins pendant un moment, des partenaires dont ce n’était pas la priorité (associations sportives, élu au sport…). 

La simple entrée « sédentarité » aurait sans doute permis de mobiliser plus rapidement un partenariat plus large. Enfin, parce qu’une fois le projet achevé, il s’est avéré bien compliqué d’inscrire les ateliers dans le droit commun, du fait de leur connotation sociale et de leur équilibre financier uniquement basé sur l’apport de subventions.

Participer… une démarche construite collectivement

La participation des publics concernés à la démarche, prévue dès l’origine du projet, a mis un peu de temps à démarrer. Pour amener les personnes à passer du statut de « bénéficiaires » d’une activité à un rôle actif dans le projet, il a fallu une étape de mise en confiance, nécessaire pour rassurer et conforter les personnes. 

Mais participer à quoi et comment ? Cette question s’est imposée sans cesse dans le groupe de travail constitué de personnes concernées et animé par une professionnelle de l’IREPS. La préparation, au sein de ce groupe, des temps de rencontres partenariaux, et le retour réflexif en aval ont permis d’avancer sur cette question de façon collective. Une association plus soutenue des professionnels à ce processus participatif aurait bénéficié à la dynamique du projet. « Travailler avec » les publics bénéficiaires des actions n’est intuitif pour personne et demande de la réflexion et de l’expérimentation. Des questions ont émergé chez les partenaires et n’ont pas eu le temps d’être suffisamment travaillées, le projet prenant fin.


Ce projet a montré la transversalité du thème « activité physique/sédentarité ». Il a réuni des initiatives et des volontés jusque-là éparpillées. Des partenaires de champs professionnels divers se sont mobilisés collectivement, tout en poursuivant chacun ses propres missions et objectifs : amélioration de la santé, insertion, lutte contre l’isolement, parentalité… Cette volonté commune, qui émerge sur de nombreux territoires, laisse espérer un véritable développement de l’activité physique pour tous dans un avenir prochain.

Découvrez l’ouvrage dédié au projet en ligne : L’important c’est de participer.

1 Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives

Laboratoire de recherche Violences, Innovations, Politiques, Socialisation & Sports

HORIZON PLURIEL – N°37 – FÉVRIER 2022