Bouger ? Oui, mais pourquoi et comment ?

Horizon pluriel n°37 /

Bouger pour prévenir les formes graves de Covid-19 ! Tel était le titre d’une chronique parue très récemment dans Le Monde. L’activité physique promue comme remède quasi-miracle à tous les problèmes de santé mobilise régulièrement la presse généraliste comme spécialiste. Elle figure dans nombre de programmes de santé publique. Ce numéro d’Horizon pluriel entend faire le point sur cette notion et les concepts et pratiques qui en découlent. Comme le rappelle Olivier Villepreux dans sa chronique contre-pied du 16 février 20201 et citant Gilles Vieille Marchiset2 : l’activité physique a pris une double place dans nos sociétés occidentales. Celle du marché économique « de la forme » et celle de la mutation sociale du « sport pour tous », sous l’impulsion des politiques santé qui valorisent « son caractère ludique, gratuit et révélateur de soi, leur pouvoir de réunir harmonieusement les femmes et les hommes » : une véritable entreprise de bien-être individuel et collectif.

La pratique d’activité physique serait-elle vectrice de réduction des inégalités ? Derrière l’image du football qui réunirait toutes les classes sociales, l’injonction à faire du sport n’est-elle pas appropriée majoritairement par les classes moyennes et supérieures consentantes, ayant le temps et l’argent pour s’y conformer, comme le montrent les études de l’INSEE ?

Car il n’est pas si simple qu’il y parait d’adopter et maintenir une activité physique. Dans un article majeur paru dans The Lancet en 20123, il apparait que nombre de déterminants sont en jeu et intrinsèquement liés, comme autant de révélateurs des inégalités sociales qui affectent l’état de santé global de la population. Agir pour promouvoir l’activité suppose notamment de repenser la politique de transports, l’aménagement de l’espace afin de s’assurer qu’il soit sécurisé et attrayant.

Il importe de s’extraire d’une promotion de l’activité physique envisagée centralement autour d’une lutte contre l’obésité ou reléguée à la valorisation de la compétition sportive. 

Agir pour promouvoir l’activité suppose notamment de repenser la politique de transports, l’aménagement de l’espace afin de s’assurer qu’il soit sécurisé et attrayant.

Il faut aussi oser en découdre avec les lobbys internationaux, véritables déterminants commerciaux de la santé tel que révélé par cette enquête menée par Le Monde en 2019, dénonçant « une « solution » à l’épidémie mondiale d’obésité par le biais d’articles publiés dans les revues médicales, d’interventions à des conférences et par les réseaux sociaux. 

Faites plus d’exercice sans trop vous préoccuper de réduire vos apports en calories : tel est le discours de ces experts qui, à contre-courant des spécialistes en santé publique, passent sous silence le rôle de l’alimentation pour plutôt mettre en avant le manque d’activité physique. Un message parfaitement calibré pour détourner l’attention des Sprite, Fanta et autres Minute Maid, propriétés de Coca-Cola, leader mondial du secteur »4.

 Entre billet d’humour, témoignages et analyse sociale et historique, ce numéro d’Horizon Pluriel entend offrir à ses lecteurs une petite randonnée dans les enjeux de l’activité physique !

Marick Fèvre

Pour en savoir davantage :

1 Le sport n’est pas un remède social universel / VILLEPREUX O, Le Monde, 30/12/2021.
2 La conversion des corps. Bouger pour être sain / VIEILLE MARCHISET G, L’Harmattan, 2019.
3 Correlates of physical activity: why are some people physically active and others not / BAUMANT A, REIS R, SALLIS J, WELLS J, LOOS R, MARTIN B / The Lancet, 2012.
4 Enquête sur la science sous influence des millions de Coca-Cola / HOREL S, Le monde, 8/05/20192

HORIZON PLURIEL – N°37 – FÉVRIER 2022

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